Les recherches soutenues par l’ADEME ont d’abord porté sur la modélisation des bâtiments et leur consommation. En complément, l’agence a ensuite suivi des projets de recherche visant à accompagner les changements de comportement jusqu’à aboutir à la notion de maîtrise d’usage.
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Les méthodes de calcul prévisionnel des consommations des logements
Les méthodes de calcul prévisionnel des consommations d’énergie des bâtiments sont des outils d’aide à la décision très importants, qu’il s’agisse de projets de rénovation ou de construction, ou de définition des politiques publiques en faveur de la transition écologique. Les différents phénomènes physiques liés au comportement thermique du bâtiment et à son interaction avec l’environnement extérieur et intérieur sont globalement bien pris en compte aujourd’hui. En revanche, les interactions des occupants avec le bâtiment, et notamment ses équipements énergétiques, restent un sujet difficile à appréhender par la modélisation. Le projet PECOIC, lauréat de l’édition 2016 de l’APR « Vers des bâtiments responsables », s’est fixé comme objectif de mieux appréhender la variabilité de l’usage dès la phase de conception d’un bâtiment résidentiel. En se basant sur la réalité des données d’usage des occupants, les partenaires ont défini des profils « représentatifs » des différents comportements. La consommation prévisionnelle n’est alors plus présentée comme une valeur fixe, mais sous forme d’une distribution de probabilités. En appliquant cette méthode à des cas réels, les partenaires ont pu illustrer l’impact des comportements sur les consommations. Ainsi, la modélisation du chauffage du petit collectif social varie de 12 à 25 kWh/m2/an en fonction du comportement des occupants. Ces résultats ont notamment alimenté les réflexions sur les conventions d’utilisation du bâtiment retenues dans le cadre des réglementations thermiques et environnementales.
De l’analyse des consommations à celle des comportements
Après ces premières recherches, une nouvelle question a émergé. Elle concerne l’accompagnement au changement de comportement des occupants, mais aussi les moyens permettant de garantir la pérennité de ces évolutions. Différentes recherches ont ainsi pu mettre en lumière l’enjeu lié à l’appropriation par les habitants des questions énergétiques.
Le projet DULCE (APR TEES 2017) s’intéresse ainsi au changement des pratiques énergétiques domestiques. La notion de culture de l’énergie est explorée, montrant que le manque d’un socle de connaissances techniques provoque un sentiment d’illégitimité, d’impuissance ou de désintérêt.
Des changements de comportements sont aussi à adopter sur les lieux de travail. Les partenaires du projet PAPEO ont mené une recherche-action visant à la fois à apporter de nouvelles connaissances et à entraîner l’adoption de pratiques économes en énergie par les agents du conseil départemental du Pas-de-Calais sur leur lieu de travail. Ce projet, lauréat de l’APR « Vers des bâtiments responsables 2015 », montre qu’un groupe d’agents motivés et formés à certains leviers peut favoriser la mise en place d’un climat favorable aux économies d’énergie, et entraîner ainsi des collègues à adopter des gestes d’économie d’énergie au travail pour se rapprocher de normes sociales plus favorables aux économies d’énergie, mais aussi à être plus sensibles à ces enjeux. Le portage politique ou hiérarchique de la démarche reste également primordial pour assurer sa visibilité et lui donner une légitimité.
Le projet ANuER (lauréat de l’APR « Vers des bâtiments responsables 2016 ») a quant à lui révélé d’une manière un peu inattendue l’importance de l’implication des habitants dès la conception. En effet, en 2016, alors que la maquette numérique génère de grandes attentes de la part des professionnels de la construction, celui-ci s’est penché sur les cas d’usage de cet outil pour les occupants. Sur la base de retours de trois chantiers sur lesquels la maquette numérique avait été utilisée, l’équipe a constaté que cette dernière conférait du pouvoir aux occupants ou à leurs représentants. En effet, elle leur a permis de mieux comprendre et de s’approprier le projet, leur permettant même de le faire évoluer. Et les partenaires de conclure que ce n’est pas la maquette numérique en soi qui leur a donné ce pouvoir, mais le fait d’associer les occupants et/ou leurs représentants aux discussions, notamment en phase de conception.
Cette exclusion des usagers de la conception des projets de rénovation ou de construction perturbe, voire entrave, le bon pilotage et la performance des bâtiments. C’est le postulat partagé par les porteurs du projet INCLUNIV, lauréat de l’APR TEES 2021, qui se sont intéressés à l’inclusivité de la transition écologique dans les universités. Dans 4 universités qui ont fait le choix de smart buildings ou d’une rénovation HQE, les chercheurs ont observé si les systèmes techniques mis en oeuvre pouvaient être exclusifs ou inclusifs, voire amener de nouvelles vulnérabilités. L’usager du campus s’adapte-t-il et se comporte-t-il de manière optimale du point de vue des techniques mises en oeuvre, ou les dispositifs techniques déployés sont-ils pensés en termes de conception universelle (universal design), de façon à ce que tous puissent utiliser les aménagements ou équipements, quels que soient l’âge, le sexe, le handicap, etc. ? Ce projet a ainsi permis de coconstruire la rénovation en impliquant les différents publics.
De la prise en compte des comportements à l’assistance à maîtrise d’usage
Si mieux connaître les déterminants des comportements des occupants est important, le véritable enjeu est de réussir à coconstruire avec eux un dispositif d’implication dès la conception du bâtiment. C’est l’objet des projets AMU-I et ACTELOS (« Vers des bâtiments responsables 2022 »). Ceux-ci se sont attelés à évaluer les coûts/bénéfices des démarches d’assistance à maîtrise d’usage et à établir un référentiel afin d’appuyer des démarches qualitatives dans ce domaine.
Le projet AMU-I a permis d’établir une première grille d’indicateurs destinés à évaluer la qualité des démarches d’assistance à maîtrise d’usage. Cet outil a été élaboré en associant des acteurs du résidentiel (secteur du logement social) et du tertiaire (écoles, centres médico-sociaux…).
Le projet ACTELOS s’est focalisé sur des travaux en partenariat avec des bailleurs sociaux, afin de les motiver à inclure des démarches d’assistance à maîtrise d’usage dans leurs projets. Il permettra à terme de dresser un tableau des freins et leviers à la systématisation de ces démarches dans les projets de construction/rénovation de logements sociaux, et d’outiller les bailleurs en leur proposant des cahiers des charges types pour recruter les prestataires en cas d’externalisation de la mission d’AMU.
Le projet ENRICO : scénarios d’usage des logements
En croisant les approches qualitatives et quantitatives dans des modèles multidisciplinaires (économique, sociologique, psychologique et sciences de l’ingénieur), le projet ENRICO mené par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), en partenariat avec EDF (Électricité de France) et le LATTS (Laboratoire techniques, territoires et sociétés), vise à élaborer un module numérique de génération de scénarios d’usage des logements.
Les scénarios générés devront permettre de modéliser l’influence des comportements domestiques sur les consommations énergétiques, mais aussi sur les consommations d’eau et le confort des individus, en tenant compte des caractéristiques des ménages et de leur environnement morphologique et climatique